Le phénomène prend de l’ampleur dans cette région du sud du pays. Des éleveurs touaregs en provenance du sahel s’y sont installés depuis des lustres avec leurs cheptels estimaient à plusieurs milliers de têtes de zébus. Cette invasion perturbe aujourd’hui le mode de vie des autochtones. Les manants qui vivent essentiellement d’agriculture n’ont plus d’espace arable pour labourer. Et comme l’on pouvait s’en douter, leur cohabitation ne faisant jamais pas bon ménage, les tensions sont actuellement vives et risquent d’exploser à tout moment.
Contrairement aux éleveurs traditionnels du pays, dont les bœufs sont issus d’une race appelée « Ndama », les touaregs eux, élèvent des zébus. Une autre espèce de bœufs facilement reconnaissables par leur bosse.
L’invasion commença sous le régime d’Alpha Condé. Lorsque les premiers touaregs arrivèrent pour faire paitre leurs bœufs. Et qu’ils découvrirent ce magnifique endroit verdoyant indispensable à leurs cheptels. Depuis, nos bouviers n’eurent plus voulu quitter la forêt et s’y installèrent définitivement.
« Ce qu’on vit aujourd’hui dans la région forestière, c’est une invasion. On est entrain d’envahir complètement la région. Vous avez des villages où on vient avec 5 mille têtes de bœufs, des zébus », révèle un acteur politique originaire de la région.
Suite à cette arrivée massive d’étrangers, la démographie a explosé dans la région. Et les pratiques culturales ont brutalement changé à cause de l’ampleur du phénomène. Les autochtones sont désormais obligés d’aller au champ durant toute l’année pour espérer joindre les deux bouts. « Les les gens sont obligés d’être au champ du 1er janvier au 31 décembre », nous confie Dr Faya Millimono. Selon ce fils du terroir, cela est dû à l’envahisseur qui est devenu maitre des lieux par la magie de la corruption et dont les bœufs sont régulièrement en divagation.
Il rappelle que sous le régime déchu, les conflits devenus récurrents entre ces éleveurs et les autochtones, ont fait « des dizaines de morts » sous le nez et à la barbe des autorités d’alors.
Le problème n’ayant pas été réglé, aujourd’hui ce sont plusieurs localités qui sont prises d’assaut par ces éleveurs qui se propagent comme des « crickets pèlerins » dans la région. Et parmi les localités les plus touchées, « il y a au moins neuf (9) communes de Beyla, quatre (4) communes de Lola et la localité de Boola » où plusieurs milliers de zébus sont en divagation. Sans oublier le chef lieu de la région, N’Zérékoré et la préfecture de Macenta qui constituent des portes d’entrée pour ces intrus.
Le même phénomène est constaté au nord de la région, notamment dans au moins 4 localités de la ville de Guéckédou. A savoir les localités de Kassadou, Bolodou, Témessadou et Koundou. Et si rien n’est fait dans un proche avenir, les localités de Wendé, Fangamadou, Nongowa et autres seront envahies à leur tour.
Egalement touchés, les habitants de Binama, de Firawa et de Bardou dans la préfecture de Kissidougou, préféreraient aujourd’hui abandonner leur terre et fuir.
Désormais très introduits, les bouviers ont même l’audace de s’immiscer dans les affaires étatiques et d’imposer au pouvoir les gens qui leur sont favorables. Tenez vous bien, avec la mise en place en vue des délégations spéciales, ces étrangers usant de la corruption, parviennent à modifier les listes de potentiels candidats à la mairie, à leur guise. «Il y a beaucoup de localités, même hier (ndlr, 7 février) nous partagions cela avec le secrétaire général du ministère de l’administration du territoire, où les bouviers usent de corruption pour modifier les listes contre celles qui leur sont favorables », dénonce Dr Faya.
Une situation qui risque de raviver les flammes de la tension dans cette zone du pays reconnue pour être un terreau fertile pour les violences.
« La crise des zébus en Guinée Forestière risque de mettre la Guinée en difficulté réelle », alerte le leader qui interpelle en même temps le chef de la junte, sur les cris de cœur des indigènes. Qui l’ont confié le pressant message de dire au « président de tout faire » pour qu’ils (les indigènes) n’aient pas « l’impression » qu’on veut les « chasser sur la terre » de leurs « ancêtres ».
Conscient du danger qui guète la région, Dr Millimono estime qu’il est temps pour l’Etat de prendre le taureau par les cornes. Car, rappelle-t-il, les populations de cette région ont toujours été très proches des zones de tension et de guerre. Notamment du Libéria, de la Sierra Léone et de la Côte d’Ivoire, où certains ont vécu les atrocités de la guerre et dont-ils gardent encore les stigmates.
Déjà en 2016, l’on dénombrait 34 715 têtes de zébus, en provenance du Mali, qui paissent l’herbe dans les prairies de la région forestière. Et en 2017, le ministre de l’élevage D4ALORS avait pris un arrêté pour demander le retrait des bovidés et déclarer leur interdiction sur le territoire guinéen.
Mais comme on le voit, tout porte à croire que cette mesure n’a pas été suivie d’effet.
Or, il y a un proverbe qui dit : « un homme averti en vaut deux ». D’autres aussi diront que « prévenir vaut mieux que guérir.»
Samory Keita pour kibanyuiguinee.info
Les commentaires sont fermés.