JOACHIM BABA MILLIMOUNO AU PRESIDENT MAMADI DOUMBOUYA : « JE LE DECONSEILLE FORTEMENT CELA…AUTREMENT, L’EMBRASEMENT SERA INEVITABLE »
La décision prise par le président Mamadi Doumbouya de dissoudre les Conseils communaux sur toute l’étendue du territoire national n’est pas du goût de certains partis politiques qui voient dans cet acte une volonté manifeste du CNRD et de son président de prendre en otage le système électoral en Guinée. C’est le cas de l’UFDG qui n’apprécie guère ce plan machiavélique de la junte au pouvoir. Parla voix du Coordinateur de sa cellule de communication, Joachim Baba MILLIMOUNO , le parti alerte sur les conséquences d’une telle mesure. Lisez…
Kibanyiguinee : Le Président de la République a pris un décret publié hier mercredi 27 mars qui dissout les Conseils communaux sur toute l’étendue du territoire national. Comment l’UFDG réagit face à cette décision ?
J.B.M : La réaction de l’UFDG, c’est la lecture de la loi (portant sur) le code des collectivités. Et « l’article 100 du CC stipule clairement que le conseil d’une collectivité locale ne peut être dissout qu’en vertu de l’article 80 de cette loi ». Or les dispositions de l’article 80 sont claires. Et les conditions qui peuvent sous-tendre la dissolution d’une collectivité n’ont pas été respectées. Maintenant que l’ensemble des collectivités a été dissout, il faut espérer que dans les 8 jours qui vont suivre, des délégations spéciales vont être mises en place. La conséquence est que ces délégations dont le nombre varie entre 7 et 11 selon la densité de la population, ont un mandat limité. Et c’est là le problème. Les délégations spéciales n’ont pas le droit d’engager les finances de la collectivité. Elles ne peuvent gérer que les affaires courantes. Ceci dit, lorsqu’une délégation spéciale n’est pas en droit d’engager les finances de la collectivité, sauf pour l’exercice courant, cela va sans dire que le développement de cette collectivité va être freiné. Donc l’émancipation de ces collectivités prend forcément un coup à travers ce décret de dissolution.
Est-ce que c’est la faut des collectivités si leur mandat est en dépassement ? Non ! Est-ce que toutes les collectivités sont en faute ? Est-ce qu’il y a détournement dans toutes les collectivités ? Non ! Bien que, c’est vrai que la loi autorise l’exécutif de dissoudre une collectivité dont la majorité des conseillers est jugée corrompue…lorsqu’il y a une condamnation définitive à l’endroit d’une bonne fourchette des membres du conseil.
Mais là, ce n’est pas le cas. Pourquoi on va dissoudre alors ? Il appartient au CNRD d’organiser les élections communales, pour que les mandats des collectivités soient renouvelés.
Kibanyiguinee Quelles sont les conséquences politiques liées à la mise en place prochaine des délégations spéciales ?
J.B.M : Il n’y a pas de conséquence politique. Les conséquences sont d’ordre économique. C’est le développement des collectivités qui va prendre un coup. Les membres des partis politiques qui avaient mandat des citoyens qui siégeaient au sein de ces conseils, vont retourner au sein de leurs partis politiques (respectifs) pour ceux-là qui sont restés fidèles et loyaux. Mais pour ceux-là qui ne l’ont pas été, c’est tant pis pour eux… D’ici là, ce qu’il faut retenir, ce qu’il ne sert à rien de dissoudre les CC, s’il n’y a pas de faute avérée ou la loi n’a pas été respectée. Le CNRD continue dans la violation de la loi. Il ne s’est pas contenté de violer la constitution (seulement). Il viole toutes lois, parce qu’en l’occurrence, le Code des collectivités est encore en vigueur. Lorsque le CNRD a pris le pouvoir, il a suspendu la constitution et par conséquent toutes les lois sont tombées. Par une ordonnance, le chef de la junte a réhabilité les lois, y croit le code des collectivités. Donc sa violation est inacceptable
Kibanyiguinee : Vous insinuez que quelque chose se trame derrière cette dissolution des Conseils Communaux ?
J.B.M : Le CNRD est dans une logique de faire main basse sur le système électoral de la Guinée. D’abord, on nous cache l’avant-projet, depuis 3 ans personne ne connait l’avant-projet de la constitution. Ce qui n’est pas normal. Nous sommes dans une transition politique. Ceci dit, moins de 6 mois après, l’avant-projet de constitution devrait être connu. Ou dès lors qu’un accord dit dynamique a été obtenu entre le CNRD et la CEDEAO, l’avant-projet de la constitution devait être tout de suite rendu public pour que les discussions qu’il y a eues entre les différents acteurs politiques, de la société civile et le CNRD qui mène la transition et le gouvernement, puissent compter sur certains paramètres de la constitution. Notamment, l’organe de gestion des élections et bien d’autres aspects de la vie nationale. Mais rien de cela n’est fait. Par contre, le CNRD est entrain petit à petit de révéler son plan, celui de prendre en otage tout le système électoral et d’imposer son calendrier…et celui-là qu’il voudra à la tête du pays au détriment du choix des citoyens. On a l’impression que c’est ce qui est en train de se tramer. Parce que, je vous rappelle que mandat a été donné aux gouverneurs de nommer les chefs de quartiers. Et au-delà de cela, vous avez vu que la CENI a été disloquée, et que désormais, c’est sera l’administration du territoire qui devra organiser les élections. En tout cas, c’est ce qui est en train d’être vendu par le nouveau PM. Ce qui est vraiment contraire à l’esprit du combat qui a été mené par la société civile, les acteurs politiques et qui a amené l’Etat à se dessaisir de l’organisation des élections au profit d’une CENI. Le contexte de création de la CENI en Afrique de l’ouest notamment, est bien connu. On ne peut pas aujourd’hui venir cracher, piétiner, fouler tous ces efforts au sol. Nous avons un capital, il y a des acquis qu’il faut capitaliser plutôt que de faire table rase de tout l’existant et de vouloir réinventer la roue. Cela ne ferait qu’accentuer la crise et nous mener vers des chemins incertains. Et je déconseille fortement cela au CNRD, au président Mamadi Doumbouya et au PM, pour éviter tout embrasement dans ce pays. Parce qu’autrement l’embrasement sera inévitable.
Kibanyiguinee : Y a-t-il des actions concrètes en vue pour s’opposer à cette décision ?
J.B.M : Non pas pour l’instant ! Ne pensez que c’est l’UFDG qui est opposée. Voyez-vous, lorsque le PM a annoncé le glissement du calendrier sur les ondes de la RFI, ce n’est pas l’UFDG qui s’est fait entendre, qui a fait de la voix, c’est plutôt la coalition à laquelle elle appartient qui a dénoncé. Il y a beaucoup d’autres acteurs qui sont entrains de dénoncer. Il ne faut pas tout ramener à l’UFDG. On n’est pas les seuls à s’opposer. Je vous dis encore une fois, la démocratie a des principes. Il y a des valeurs universelles à la démocratie. On ne peut vouloir d’une chose et son contraire. On ne peut pas être à la fenêtre et se voir passer dans la rue. On a vu le président Mamadi Doumbouya saluer (le déroulement des élections au Sénégal) et féliciter le nouveau président élu Diomaye Faye, quoi que, le conseil constitutionnel n’a pas encore validé les résultats de manière officielle et définitive. Mais, c’est le même qui, il y a quelques mois, à la tribune des Nations Unies, crachait sur la démocratie, ses principes et ses valeurs…Nous sommes au XXIème siècle, le peuple de Guinée ne peut s’émanciper avec ces discours populistes. Il faut aujourd’hui, que nous allions vers une démocratie, vecteur de développement. Et non vers une démocratie qui nous retarde, bâillonne la presse, confisque le système électoral. Parce qu’on prend en otage tout un système électoral pour faire désigner et s’arranger à ce que, ne soit déclaré élu que ceux ou celles qu’on veut. Ce qui n’est pas une élection mais plutôt une désignation. Or tout porte à croire que nous allons vers ce système.
Propos recueillis par Samory Keita pour kibanyiguinee.info