La semaine dernière, le parlement de la CEDEAO a été le théâtre d’une scène inhabituelle. Un évènement inédit qui restera longtemps gravé dans la mémoire de cette institution sous-régionale. Où des députés sénégalais et guinéens, comme piqués par des mouches « tsétsé », se sont illustrées à travers des propos et contre propos « malveillants » et « tonitruants » qui résonnent encore dans nos oreilles et font les choux gras des médias.
Il s’agit d’altercations verbales entre les honorables Guy Marius Sagna du Sénégal et Fanta Conté de la République de Guinée. Tout serait partie de la présentation du rapport pays de la Guinée dont nous n’avons pas les détails.
Néanmoins, à suivre le député sénégalais qui a commencé les hostilités, le rapport serait resté muet sur les violations répétées des droits de l’hommes en Guinée, depuis l’avènement du CNRD au pouvoir en 2021. Ce mutisme du rapport sur cet état de fait n’a pas échappé à l’honorable Sagna. Qui n’a pas manqué de dire sa « préoccupation » et d’attirer l’attention du parlement par rapport à cette situation.
« On parle d’au moins 47 morts entre le coup d’Etat de 2021 et maintenant », dénonce le député qui dit ne pas comprendre le « mutisme » du rapport sur cet état de fait. Surtout, martèle-t-il, « on ne parle pas de 47 poules ou de chèvres mortes, mais de 47 vies humaines. »
Le député visiblement déchainé contre la délégation guinéenne, ira plus loin en interrogeant ses « sœurs et frères » députés guinéens sur l’identité des présumés auteurs de ces victimes et le rôle joué par la justice pour les condamner.
« Est-ce qu’on a identifié ceux qui ont tué ces 47 personnes ? Est-ce qu’ils ont été sanctionnés ? », interroge-t-il, les députés guinéens. Puisque d’après lui, s’il n’y a pas eu de « sanctions » cela induit que « vous-mêmes qui êtes assis ici, sœurs et frères de Guinée, vous êtes en sursis », présume M.Sagna.
Plus loin, il reviendra sur la mort en prison de l’ancien chef d’Etat major général des armées et n°2 du CNRD, le Général Sadiba Koulibaly, fait qu’il qualifie de « grave ». Il renchérit en disant que « si un général peut mourir en prison en Guinée… ça veut dire que tous les guinéens sont en sursis. » Une situation qu’il dit l’« apeurer » dans la mesure où qu’elle met tous les guinéens en danger.
Cette sortie du député sénégalais a été perçue comme un affront par la délégation guinéenne. Car, estime celle-ci, ce confrère n’a rien à dire sur la Guinée. Dans ce sens que, ce qui se passe en Guinée, ne concerne que les guinéens.
La réponse de la bergère au berger
En répliquant au nom de la délégation guinéenne, l’honorable Fanta Conté, n’est pas allé du dos de la cuillère. Elle qualifie cette sortie du député sénégalais de « malintentionnée » qui vise à « saper les acquis de la transition ».
Pour elle, ces propos décousus de sens du confrère sénégalais, sont tenus à dessein afin de « remettre en cause les efforts » jusque-là consentis par les « autorités de la transition…pour promouvoir la paix et la réconciliation nationale en Guinée. »
Selon elle, le pouvoir de Conakry s’est inscrit depuis son arrivée au respect des libertés des droits de l’homme. Pour illustrer ces propos, elle rappellera que les tueries faites lors des manifestations en Guinée ne sont pas impunies. Contrairement à ce qu’insinue le sieur Sagna du Sénégal.
« Il y a même un gendarme qui a été condamné à 10 ans de prison à cause du décès d’un jeune qui a été abattu au cours d’une manifestation », a tenu à mentionner l’honorable Conté.
Qui pense d’ailleurs, que ce parlement ne devrait pas servir de « champ de bataille » pour des fins de « réquisitoires » entre Etats membres.
Elle soulignera que malgré le retrait de certains pays en transition, la République de Guinée elle, a choisi de rester au sein de l’institution pour promouvoir l’intégration sous-régionale.
Mieux, insiste-t-elle, les nouvelles autorités font beaucoup en matière de droits de l’homme. A titre d’exemple, elle citera entre autres, « la réouverture des frontières terrestres qui étaient fermées avec certains pays voisins, la levée des barrages internes pour assurer la mobilité des citoyens, la libération des activistes de la société civile et leadeurs politiques qui étaient en prison, la tenue du procès du 28 septembre. »
Par ailleurs, la députée guinéenne fera remarquer à son confrère que son pays, le Sénégal qui s’érige en donneur de leçon démocratique, n’est pas un bon exemple en matière de droit de l’homme. Elle rappellera qu’« avant l’élection présidentielle au Sénégal, il y a eu beaucoup de manifestations qui ont été violemment réprimées, on parle même de plus de 60 morts».
Pour renchérir, elle ajoute ceci : « l’opposition sénégalaise a été persécutée, la justice manipulée à des fins politiques, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes emprisonnés. »
Et parmi les prisonniers politiques, martèlera-t- elle, « même le président actuel (ndlr, Bassirou Diomaye Faye), c’est de la prison qu’il est devenu Président de la République. » Et ce n’est pas tout ! Elle révèlera le fait que « l’Assemblée Nationale sénégalaise avait voté une loi d’amnistie contre des personnes qui sont des présumées auteurs de ces crimes »
Or tous ces actes « liberticides » se sont déroulées sous le nez et la barbe de l’honorable Guy Marcus Sagna. Mais jamais, il n’a daigné piper un mot pour dénoncer quoi que ce soit.
« M.Guy était où pour dénoncer tous ces actes ?», interroge la jeune députée. Qui conclura en indiquant qu’« aucun pays n’a à donner des leçons de gouvernance à un autre, tous les pays ont leur forces et faiblesses en matière de gouvernance »
Ce « jet de sable » entre les deux honorables députés, rappelle le désamour qui a toujours imprimé les relations entre la Guinée et le Sénégal. Avant sa chute, le président Alpha Condé était en froid avec son homologue du Sénégal Macky Sall.
Sam Keita pour kibanyiguinee.info
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