SYNDICATS DU COMMERCE : PAR CRAINTE POUR LEUR SÉCURITÉ, ILS RENONCENT D’ASSISTER À UNE CONFÉRENCE DE PRESSE
S’exprimer en Guinée serait-il devenu un « crime de lèse-majesté ? » En tout cas, nombreux sont les guinéens qui n’osent plus parler par peur de représailles. Ils préfèrent se taire que d’évoquer de sujets sensibles qui pourraient leur attirer des ennuis avec le pouvoir. Un constat alarmant qui fait désormais partie du quotidien du Guinéen.
On n’est plus jamais prudent en Guinée lorsqu’il s’agit de parler de sujets d’intérêt national. Que ce soit à titre individuel ou en tant qu’entité, s’aventurer sur un tel terrain est devenu suicidaire. Les dénonciations ou critiques n’étant plus permises, il faut soigner ses communications. Les interventions doivent refléter exactement l’esprit du pouvoir, à défaut, sa colère pourrait s’abattre sur l’intéressé. La moindre critique est susceptible de faire disparaitre son expéditeur.
Seules les voix qui défendent les acquis de la « refondation » sont aujourd’hui autorisées.
Une leçon qu’auraient bien compris certains membres du Syndicat des Commerçants de Guinée (SCG). Alors qu’ils étaient tous annoncés, même si le nombre n’était pas mentionné, à une conférence de presse, ce lundi 16 décembre, à Conakry, ils se seraient ravisés à la dernière minute par crainte pour leur sécurité.
Cette révélation a été faite par le président qui devait coanimer la conférence avec ses collègues du bureau. C’est pourquoi d’ailleurs dès l’entame de la conférence, il a tenu à expliquer les motifs de l’absence des autres membres du bureau.
« Vous savez, beaucoup ont la peur au ventre. Surtout quand il s’agit de parler de l’État, beaucoup ont peur de venir », révèle Elhadj Ibrahima Diallo.
Une affirmation qu’il a d’ailleurs confirmé le lendemain, lorsque kibanyiguinee.info qui était resté sur sa faim, l’a eu au téléphone. « Beaucoup de gens ont peur. Vous connaissez la situation, ce qui se passe aujourd’hui en Guinée et je préfère m’arrêter là », réagit-il brièvement à notre sollicitation sur les raisons de cette crainte.
Autre raison avancée par Elhadj Diallo pour expliquer l’absence de ses collègues, mais qu’il faut prendre avec des pincettes, ce sont les fêtes de fin d’année. A l’en croire, ses collègues étaient très « occupés » à cause de la fin d’année qui est une période de traite pour les commerçants. Vrais ou faux ?
Tout compte fait, sa révélation sur la « peur » des membres du syndicat qu’il préside décrit l’atmosphère qui règne actuellement à Conakry. Où les kidnappings sont devenus le nouvel modus operandi. Où on peut, à tout instant, se faire enlever à domicile ou dans un carrefour embouteillé, par des sbires encagoulés et lourdement armés.
Ceci rien qu’à cause d’une simple opinion, on peut vous faire disparaitre. Et les nombreuses disparitions signalées ces derniers temps, de personnes opiniâtres, en font foi.
Une situation qui serait très prise au sérieux au sein du bureau du SCG dont les membres auraient finalement renoncé à assister à leur conférence de presse, en faussant compagnie à leur président.
De son côté, Elhadj Ibrahima Diallo s’est lancé dans une communication qui n’avait parfois rien à voir avec le thème du jour. Un thème qui a pourtant suscité beaucoup d’intérêt auprès des médias fortement représentés et qui portait sur :« situation des commerçants, neutralité, fraude, importation des produits. » Mais comme dirait l’autre, qui est fou ?
Sidafa Keita pour kibanyiguinee.info