Au soir de l’échéance de la transition en Guinée telle qu’édictée par le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) sous l’œil impuissant de la communauté internationale, le peuple de Guinée retient son souffle. Nombreux étant les Guinéens qui affichent déjà des signes d’inquiétudes.
La transition guinéenne devra prendre fin normalement ce 31 décembre 2024. Mais tout porte à croire qu’elle est encore loin de souffler sa dernière bougie. Déviée très tôt de sa trajectoire, elle a pris une nouvelle direction toute tracée. Celle qui renvoie aux calendes grecques, le retour à l’ordre constitutionnel.
Les belles promesses d’une transition annoncée !
L’on se souvient encore, lorsque l’ancien légionnaire français arriva au pouvoir le 5 septembre 2021 en évinçant le régime totalitaire d’Alpha Condé.
Suscitant un réel l’espoir, il justifia son coup de force en dénonçant les maux qui gangrénèrent le pouvoir d’alors. Parmi lesquels, il cita « le dysfonctionnement des institutions républicaines », « l’instrumentalisation de la justice » et « le piétinement des droits des citoyens ». Il y ajouta plus tard, la « division » des Guinéens qui se regardaient en chien de faïence et la « personnalisation de la chose publique. »
Dans l’euphorie, il fit beaucoup de promesses : transformer le pays en un havre de paix, éviter les erreurs du passé, respecter les droits de l’homme, la liberté de presse, les libertés individuelle et d’expression, rétablir l’ordre constitutionnel en organisant des élections crédibles.
Il signa même un pacte social avec le peuple, qu’il fit consigner dans la Charte de la transition, à travers ses « articles 46, 55 et 65 », qui stipulent que les représentants des organes de transition (CNRD, CNT, Gouvernement) « ne peuvent faire acte de candidature ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la transition ».
Il prit aussi la CEDEAO comme témoin et lui fit librement la promesse de respecter sa « parole d’honneur » de soldat. En s’engageant, en dépit de tout, à piloter une transition de 24 mois.
La réalité au crépuscule de la transition !
On constate que le justicier qui avait juré la main sur les livres Saints (Coran et Bible) de faire de la « justice, la boussole qui va orienter la transition » n’en ferait qu’à sa tête. Le glaive qu’il brandit pour rassurer le peuple, n’a servi en réalité qu’à faire taire les voix dissonantes.
Alors que le 5 septembre 2021, il clamait haut, je cite : « il y a eu beaucoup de morts, beaucoup de blessés et beaucoup de larmes…… Plus personne ne doit mourir pour rien », fin de citation.
Mais comme ironie du sort, le libérateur qu’il clamait être hier, est devenu l’oppresseur contre un peuple inoffensif. A date, on dénombre plus de 50 morts tués par le régime militaire.
Sans oublier les portés disparus. Des figures emblématiques comme Foniké Menguè, Billo Bah disparus sous l’œil complice d’un pouvoir insolent et corrompu. Mais aussi d’autres citoyens intrépides (Nimaga et Marouane), tous enlevés par un escadron mixte de l’armée. Plongeant ainsi tout le pays dans une terreur indescriptible.
Un lendemain incertain !
À quelques jours de l’échéance de cette transition désorientée, nombreux sont les Guinéens épris de paix qui sont inquiets. Ne reconnaissant plus le soldat qu’ils applaudirent le 5 septembre 2021, ils sont apeurés et incertains à propos de l’avenir.
Gagné par le désenchantement, le peuple reste sceptique. Martyrisé par un pouvoir despotique, il se sent abandonné et ne sait plus où donner de la tête. Car la terre tant promise s’est vite transformée en en ilot de désillusion. Où sont jetés les opposants au fameux projet de confiscation du pouvoir.
Coincés, les Guinéens s’impatientent. Pressés d’entendre le discours du nouvel an. Un discours censé normalement les situer sur la suite d’une transition dans l’impasse. Avec un infime espoir que tout rentrera dans l’ordre.
Au cas échéant, que faudra-t-il faire ?
« Si le peuple est écrasé par ses élites, il revient à l’armée de rendre au peuple sa liberté », paraphrasait l’actuel homme fort de Conakry, l’ancien président ghanéen, feu Jerry Rawlings.
Mais si c’est l’armée qui écrase son peuple, quel va être le remède ?
Ça, seul l’avenir nous le dira certainement.
Touraman Keita pour kibanyiguinee.info