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TRANSITION : LES MOTS DE SAGESSE D’UNE VENDEUSE DE PASTÈQUE À MAMADI DOUMBOUYA

Dans la nuit du 30 novembre, de passage à la Tanérie, située en banlieue de Conakry, j’ai fait escale au petit marché de fruits pour acheter de la pastèque, un fruit succulent que je raffole beaucoup pour ses vertus et qui reste très prisé en Guinéen.

Je tombe sur une femme vendeuse très accueillante mais pour des raisons de sécurité qu’on va appeler HT (avec photo archive). La quarantaine révolue, elle a l’air sympathique. Elle semble en même temps très dynamique et est très ouverte dans les causeries. En plus des langues soussou et maninka dans lesquelles nous communiquâmes, elle s’exprimait également correctement (pour le peu d’échanges que nous eûmes) dans la langue de Molliere.

Au cours des échanges que nous eûmes, entre vendeuse et client, nous nous familiarisâmes très rapidement. Elle me proposa deux pastèques au rabais à 20 000 GNF. Ce que j’acceptai volontiers. Nous fîmes donc rapidement le marché.

Mais peu avant, une jeune dame, visiblement une de ses connaissances de passage, lança une salutation rapide à la vendeuse. « HT tanamou fègnè ? » (salutation en soussou, qui signifie en français, HT t’as bien passé ta journée ?). La vendeuse qui s’était déjà courbée pour prendre mes pastèques se redressa. Et sourire aux lèvres, elle répondit en ces termes : « Ara bakhidi gö Mme Doumbouya » (en français, comment ça va Mme Doumbouya ? »

En entendant le nom Doumbouya, je devins aussitôt taquin : « Eh ! HT noun Menguè Doumbouya kha guinè nan woyinfè ! » (en français, HT parle avec la femme du Président Doumbouya ? », disais-je en taquinant, en faisant référence au président de la transition Mamadi Doumbouya.

Comme si elle n’attendait qu’une occasion pour s’exprimer, la vendeuse réagit aussitôt à ma blague. Avec un ton doux mais sérieux, parlant tantôt en soussou, tantôt en français, elle répondit en ces termes : « si je pouvais rencontrer le président Mamadi Doubouya, j’allais lui dire de faire comme ATT du Mali. Il allait devenir un grand homme, une personnalité respectable et respectée à travers l’Afrique et le reste du monde avec tous les honneurs qu’il mérite. »

Surpris, j’ai essayé de la rassurer, qu’elle aura l’occasion un jour de dire ses pensées au Président Doumbouya.

Mais visiblement septique, elle fit grise mine en marmonnant ceci : « je n’en suis pas certaine car moi, je ne serais jamais dans les mouvements de soutien. » Puis d’ajouter : « ce sont des choses qui mettent le pays en danger. »

Alors voyant sa déception, je changeai de facto de sujet, avant de donner aurevoir peu après, tout en la promettant de revenir.

Ce jour, j’ai passé une nuit blanche entrain de revoir en boucle le message livré par cette vendeuse de fruits. Loin des sirènes politiques, elle semblait très préoccuper par ce qui se passe autour d’elle. A travers elle, s’exprimait aussi une majorité silencieuse qui refuse de cautionner le hold-up en cours dans le pays orchestré par un groupe de mafieux.

J’étais plongé dans cette réflexion, lorsque le lendemain, dimanche 1er décembre, j’appris les évènements douloureux de N’Zérékoré. En apprenant cette tragédie qui survint le lendemain des craintes émises par la vendeuse, et qui rappelle celle du 28 septembre 2009, j’eus vraiment peur. Pensant que les paroles de cette femme étaient prophétiques. Mais qui sait ? Peut-être aussi que ces évènements sont les signes prémonitoires d’un lendemain incertain ! Espérons tout de même, que non.

Le souhait de cette vendeuse de fruits est que le Général Mamadi Doumbouya fasse comme Amadou Toumany Touré (ATT) du Mali.

En 1991, alors jeune lieutenant-colonel, ATT renversa le général Moussa Traoré. Au bout d’un an de transition, il rendit le pouvoir après avoir organisé les premières élections démocratiques de l’histoire du Mali. Il revint ensuite au pouvoir en 2002 suite à des élections démocratiques.

Le général Mamadi Doumbouya suivra-t-il cette voie ? En tout cas ce sont les mots de sagesse de cette pauvre femme soucieuse que j’aie promis (sans la dire ouvertement) de transmettre à travers ma petite plume à qui de droit.

Touraman Keita pour kibanyiguinee.info