Le vernis craque. Après plusieurs jours de silence embarrassé, le fédéral de l’UFDG à Kankan, Antoine Dogbo Guilavogui, a fini par révéler l’identité du mystérieux bienfaiteur qui lui a offert un véhicule 4×4 flambant neuf. Sans surprise, il s’agit du président de la transition, le général Mamadi Doumbouya. Une révélation qui alimente davantage les soupçons d’une stratégie de séduction-ou d’absorption-des figures de l’opposition dans l’arène politique guinéenne.
Le véhicule lui aurait été remis par le truchement d’un acteur tout aussi controversé : Ousmane Gaoual Diallo, ministre des Transports et porte-parole du gouvernement, mais aussi ancien cadre de l’UFDG et désormais adversaire farouche de la direction actuelle du parti.
Un cadeau empoisonné ?
« Le président m’a fait un don », a déclaré, presque fièrement, Antoine Dogbo Guilavogui. Avant de balayer toute critique d’un revers de main en interrogeant : « qui est maudit pour refuser ça ? ». Une déclaration révélatrice, à la fois de l’état de déliquescence morale d’une certaine classe politique, mais aussi du climat de confusion entretenu entre devoir de loyauté envers le peuple et intérêts personnels.
Car si l’intéressé prétend que ce geste est « apolitique », il se garde bien de dire ce qui, dans son parcours ou dans son discours, aurait pu émouvoir la générosité du général Doumbouya. Aucune explication convaincante, aucun cadre institutionnel, aucune justification officielle. Tout semble indiquer un troc politique déguisé en « bonne volonté ».
Du chien de garde à l’ami du pouvoir
Ce changement de ton d’Antoine Dogbo Guilavogui n’est pas anodin. Il y a encore quelques mois, il était l’une des voix les plus critiques du régime, dans une région traditionnellement peu favorable à l’UFDG. Désormais, il multiplie les signes d’apaisement, au point de paraître comme un nouvel allié du pouvoir en place. Ce retournement spectaculaire soulève une question : combien vaut le silence d’un opposant ? Apparemment, un 4×4 suffirait.
Antoine Dogbo Guilavogui, fédéral de l’UFDG à Kankan, posant ici avec le véhicule qui lui a été offert par le président de la Transition, le général Mamadi Doumbouya
L’attitude conciliante de l’ex-critique trahit une perte de repères politiques chez certains cadres de l’opposition, prêts à renier leurs convictions au premier signe de reconnaissance officielle. Pour beaucoup, ce changement d’attitude ne relève pas de l’évolution idéologique, mais bien d’un opportunisme politique assumé.
Réalignement stratégique au sein de l’UFDG
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Antoine Dogbo Guilavogui semble aussi préparer une recomposition interne au sein de l’UFDG. Il appelle ouvertement à une refondation du parti, tout en plaidant pour le retour d’Ousmane Gaoual Diallo, exclu en 2021, et désormais à la tête d’un mouvement politique : le Cercle des Amis de Gaoual (CERAG). Une structure dont le but à peine voilé est d’affaiblir Cellou Dalein Diallo et de reprendre le contrôle du parti historique de l’opposition.
« Je suis de l’UFDG, mais pas de l’UFDG caduque », a-t-il lancé, sans ambages. Une déclaration qui sonne comme un désaveu total de la direction actuelle et une tentative de repositionnement personnel dans une UFDG en pleine zone de turbulence.
Quand la transition étouffe l’opposition
Cette affaire, au-delà de l’anecdote du cadeau, illustre un processus plus large et plus préoccupant : celui de l’affaiblissement progressif (et méthodique) de l’opposition par la transition militaire. En distribuant privilèges, postes ou véhicules, le pouvoir neutralise peu à peu les voix discordantes et réécrit les équilibres politiques en sa faveur.
Le cas de Kankan n’est donc pas isolé. Il est symptomatique d’une transition qui, sous couvert de refondation, s’arroge les instruments de la cooptation et de la division politique.
Sidafa Keita pour kibanyiguinee.info