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VIGILOR SECURITÉ

Marché Gbessia rond-point : Elles vendent des feuilles de manioc dans une zone infestée d’urine et de déjections

L’événement se passe de commentaires. Ce dimanche 18 mai, aux environs de 7h50, alors que je faisais tranquillement mon jogging sur l’autoroute Fidèle Castro, une scène à la fois choquante et révélatrice attire mon attention au niveau du marché de Gbessia. Sous le pont, plusieurs femmes sont affairées autour de dizaines de bottes de feuilles de manioc. Tout porte à croire qu’elles viennent tout juste de déballer leur marchandise, prêtes à commencer leur journée de commerce.

Mais l’endroit où elles se sont installées glace le sang : un site connu de tous pour être une toilette publique à ciel ouvert. Le sol est jonché d’urine et de détritus en tout genre. L’odeur est insoutenable. Et pourtant, c’est là qu’elles ont choisi d’exposer des denrées destinées à la consommation.

L’insalubrité érigée en norme

Ce n’est malheureusement pas un cas isolé. À Conakry, les dessous de ponts, comme bien d’autres espaces publics, sont devenus des dépotoirs et des toilettes sauvages, transformant la ville en un gigantesque cloaque à ciel ouvert. Et le plus grave, c’est que cette situation ne scandalise plus grand monde. Vendeurs, passants, autorités : tout le monde semble s’en accommoder.

Ces femmes rencontrées ce jour-là, loin d’être mal intentionnées, agissent par nécessité. Interrogées, elles reconnaissent s’être installées de leur propre chef, sans autorisation. « On s’est installées ici nous-mêmes, excusez-nous, on va partir tout de suite », ont-elles déclaré, presque gênées, en se fondant en excuse, implorant la compréhension.

Mais la véritable question est ailleurs : comment en sommes-nous arrivés à un tel niveau de banalisation de l’insalubrité et de l’irresponsabilité collective ?

Des autorités complices par leur silence

Dans bien des cas, les administrateurs des marchés ne jouent pas leur rôle. Pire, ils deviennent complices de ces pratiques, préférant encaisser des quittances plutôt que d’assurer l’assainissement et la réglementation de leurs espaces. Le laisser-aller est total.

Ce phénomène révèle également l’absence d’éducation citoyenne et de conscience collective. En acceptant de consommer des produits vendus dans ces conditions, sans réagir, c’est toute la société qui se rend complice de cette dérive.

Une société en décomposition lente

Il est temps de se poser la question : le Guinéen comprend-il vraiment sa responsabilité dans la construction d’un cadre de vie sain et durable ? Chaque jour, des comportements individuels portent atteinte à l’intérêt général, sans qu’aucune voix ne s’élève, sans qu’aucun geste citoyen ne vienne corriger le tir.

Vendre des aliments dans une toilette publique à ciel ouvert devrait provoquer l’indignation, des sanctions, une prise de conscience collective. Pourtant, c’est dans l’indifférence totale que ces scènes se répètent.

Ce n’est pas seulement une question d’hygiène ou de salubrité. C’est une question de dignité, de santé publique, d’avenir pour nos enfants. Tant que nous continuerons à détourner le regard face à ces situations, nous resterons prisonniers d’un système où l’informel rime avec le danger, où le quotidien devient un risque permanent.

Conakry mérite mieux. Les Guinéens aussi.

Touraman Keita pour kibanyiguinee.info