Au début du XXe siècle, en Namibie, les colons allemands entreprirent d’exterminer systématiquement les peuples herero et nama. L’Allemagne a reconnu ce vendredi et pour la première fois qu’elle avait commis un génocide en Namibie pendant son occupation coloniale. Berlin va plus loin et promet un soutien financier de plus d’un milliard d’euros pour accompagner des projets dans la nation africaine. « Nous qualifierons maintenant officiellement ces événements pour ce qu’ils sont du point de vue d’aujourd’hui : un génocide », a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, dans un communiqué.
Il salue dans cette déclaration la conclusion d’un « accord » avec la Namibie après plus de cinq ans d’âpres négociations sur les événements survenus dans ce territoire africain colonisé par l’Allemagne entre 1884 et 1915. C’est en juillet 2015 que l’Allemagne utilisait pour la première fois le terme de génocide pour qualifier le massacre des peuples herero et namas.
En effet, cent vingt ans après, le génocide des Hereros et des Namas, l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire africaine, reste méconnu. Si le travail de mémoire en Allemagne sur la période nazie est généralement jugé exemplaire, celui sur la période coloniale en Afrique, de la deuxième moitié du XIXe siècle et du début du XXe, a été longtemps délaissé, même en Afrique.
Tout commence en 1904. Privées de leurs terres et de leur bétail, sous l’ordre de l’administration coloniale, les tribus hereros s’étaient révoltées contre les colons allemands, faisant une centaine de morts parmi ces derniers. Envoyé pour mater la rébellion, le général allemand Lothar von Trotha, bras armé de l’Allemagne de Guillaume II dans le Sud-Ouest africain, avait ordonné leur extermination. « Tous les Hereros doivent quitter le pays. S’ils ne le font pas, je les y forcerai avec mes grands canons. Tout Herero découvert dans les limites du territoire allemand, armé comme désarmé, avec ou sans bétail, sera abattu. Je n’accepte ni femme ni enfant. Ils doivent partir ou mourir. Telle est ma décision pour le peuple herero. »
Les Namas s’étaient soulevés un an plus tard et subirent le même sort. Au total, au moins 60 000 Hereros et environ 10 000 Namas perdirent la vie entre 1904 et 1908. Les forces coloniales allemandes avaient employé des techniques génocidaires : massacres de masse, exil dans le désert où des milliers d’hommes, femmes et enfants sont morts de soif, et camps de concentration comme celui tristement célèbre de Shark Island.
Des ossements, en particulier les crânes de victimes, furent envoyés en Allemagne pour des expériences scientifiques à caractère racial. Le médecin Eugen Fischer, qui a officié à Shark Island et dont les écrits ont influencé Adolf Hitler, cherchait à prouver la « supériorité de la race blanche ».
« À la lumière de la responsabilité historique et morale de l’Allemagne, nous allons demander pardon à la Namibie et aux descendants des victimes » pour les « atrocités » commises, a précisé le ministre allemand. Les Allemands restés en Namibie après les massacres avaient réussi à convaincre le régime d’apartheid sud-africain d’enterrer le rapport (Blue Note) préparé par le Royaume-Uni sous prétexte que leur ennemi commun était « la race noire ». Ce n’est qu’en 1985, à la suite du rapport Whitaker, que les Nations unies rendent publique cette page d’histoire longtemps cachée. Mais pour beaucoup d’historiens déjà, il ne fait aucun doute qu’il s’agissait là du premier génocide du XXe siècle.
« L’acceptation de la part de l’Allemagne qu’un génocide a été commis est un premier pas dans la bonne direction », a affirmé à l’AFP Alfredo Hengari, le porte-parole du président namibien Hage Geingob. « C’est la base de la deuxième étape, qui consiste à présenter des excuses, suivies de réparations ».
Le président namibien organisera dans les semaines à venir des discussions avec les représentants des communautés hereros et namas, sur les « modalités de mise en œuvre de ce qui a été convenu avec l’Allemagne », a précisé M. Hengari.
Les crimes commis pendant la colonisation empoisonnent depuis de nombreuses années les relations entre les deux pays. « On ne peut pas tirer un trait sur le passé. La reconnaissance de la faute et la demande de pardon sont toutefois un pas important pour surmonter le passé et construire ensemble l’avenir », a estimé.
Le Point
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