VILLA SYLI A KANKAN : CES DISCOURS ‘’POPULISTES’’ ET ‘’DEMAGOGIQUES’’ QUI COLLENT A LA PEAU DES REPRESENTANTS DE L’ETAT

En marge de la fête de Tabaski qu’il a célébré à Kankan, sa ville natale, le 28 juin, le président de la transition, colonel Mamadi Doumbouya a reçu à sa résidence de la villa syli, les administrateurs territoriaux, les élus locaux (pour ceux qui gardent encore leur poste) et les différents corps militaires et paramilitaires de la région. Ces représentants de l’Etat dans le pays profond ont sauté sur l’occasion pour encenser l’hôte de marque dont-ils ont chanté les éloges à travers des discours teintés de ‘’démagogie’’ et de ‘’populisme’’ au mépris des populations confrontées à des difficultés qui hypothèquent leur avenir.   

C’est devenu le sport favori du cadre guinéen. Dès que quelqu’un bénéficie d’un arrêté, un décret ou de la confiance du bas peuple à un niveau quelconque de la circonscription locale, il devient dingue et oublie carrément ce pourquoi il est investi. La notion de démocratie n’existe plus. C’est-à-dire, « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », n’est plus qu’une vaine expression à ses yeux.

Chez lui, c’est plutôt la volonté du chef qui prime d’abord. Qu’il considère comme un demi-dieu sur terre qui a droit de vie et de mort sur lui. Ainsi, les actes ou actions sont posés uniquement pour faire plaisir à ce chef qu’il chérit, pour qui, il est prêt à souiller son honneur et bafouiller sa dignité.

Et les rares occasions qui s’offrent à lui pour présenter son bilan ou exposer les difficultés qui assaillent ses populations au nom desquelles il parle toujours, sont malheureusement mises à profit pour jouer au griot en vantant les mérites du ‘’Mansa’’. Des discours pompés sont tenus dans ce sens pour vénérer, flatter et mystifier le chef. Comme pour dire : « tu peux y arriver ! tu peux le faire ! ne t’en fais pas ! ce n’est pas difficile ! nous sommes avec toi ! ». Des expressions généralement entonnées comme des récitals qui doivent être notés par le maitre.

Les représentants de l’Etat à Kankan n’ont pas dérogé à cette ‘’règle’’ devenue le sport favori du cadre guinéen.

Le gouverneur de la région administrative de Kanakan ne dira pas le contraire. Le colonel Moussa Condé s’est exprimé au nom des administrateurs territoriaux et toutes les entités sociopolitiques de la région. Notamment les forces vives (politiques et société civile), les femmes, la jeunesse, les autorités morales et autres.

Selon lui, toutes ces corporations sont dans l’esprit du CNRD et restent derrière le chef jusqu’à la fin de la transition. « Nous administrateurs territoriaux des 5 préfectures de la région administrative de Kankan, aussi des forces vives, les autorités morales, la jeunesse, les femmes et toutes les corporations sommes derrière vous jusqu’à la fin de la transition… », déclare-t-il, avant de réitérer sa « fidélité » et « loyauté » à l’égard du commandant en chef suprême.

Dans la même foulée, le maire de la commune urbaine de Kankan se lancera à son tour dans un speech narratif sur la réception du président de la transition. S’exprimant de façon très loquace, Mory Kolofon Diakité dira que la réception grandiose qu’a bénéficié le président de la transition est le signe d’une « adhésion totale des populations » aux idéaux du CNRD.

Selon lui, « c’est très clair et très net » le président a « le soutien total et ferme de toutes les populations de la région administratives de Kankan ». Vrai ou faux ?

En tout cas au nom de ses pairs de la région, il rassurera le colonel de l’« adhésion totale » des maires à la politique du CNRD qui permet « l’émergence de la nation », de lutter contre la « corruption » et surtout le rassure de leur « accompagnement ».

Des discours dénués de toute sérénité et loin de rapporter la vérité. Car les réalités ne semblent pas être ce qu’on entend. Cela même s’il faut reconnaitre qu’à l’occasion de cette première visite dans son Nabaya natal, le fils du terroir a eu droit à un accueil chaleureux.

D’abord, notons que c’était pour eux (les représentants de l’Etat) une occasion en or et non « un évènement qui s’inscrit en lettre d’or », pour étaler les soucis des populations. Des soucis qui se résument en problèmes sociaux de base. Et qui s’appellent, délestage électrique, manque criard d’eau et d’infrastructures, le chômage galopant, la chute du pouvoir d’achat des populations etc.

Surtout que ce n’est un secret pour personne que la Haute Guinée avec un ratio de pauvreté de 67,5% est la région la plus pauvre de Guinée. C’était vraiment une occasion ultime pour exhiber ce tableau très sombre de la vie des populations de cette région qui n’arrive pas à émerger en dépit des nombreuses sociétés minières (les plus importantes du pays) qui s’y trouvent.

Ensuite, il est évident que les populations de cette région au nom desquelles ils parlent, ne sont pas toutes tombées sous le charme du président de la transition. Si comme eux, certains citoyens sont déjà acquis par les nobles idéaux du CNRD, d’autres par contre ne le sont pas encore et le seront jamais. Car il faut souligner que la région reste encore sous l’influence du RPG, le parti d’Alpha Condé. Et dont les militants n’arrivent toujours pas à digérer le renversement de leur champion par le colonel Mamadi Doumbouya. Cela même s’il est fils de la région comme Alpha Condé. Et les récentes sorties des femmes du parti pour réclamer le retour de leur leader, désormais en exil, en disent long.

Ainsi en s’exprimant, il est important de tenir compte parfois des réalités sociopolitiques des lieux où l’on se trouve. Car il ne sert à rien de tenir des discours à forte dose de ‘’démagogie’’ et de ‘’populisme’’ pour tomber dans les bonnes grâces du chef. Car s’ils sont dénués de bon sens qui cache les réalités du terrain, n’oublie pas que la vérité finit toujours par éclater. Pour paraphraser feue Hadja Rabiatou Serah Diallo, ancienne figure emblématique du syndicat guinéen, « le mensonge prend toujours l’ascenseur pour arriver le premier au sommet et la vérité l’escalier. Mais dès que la vérité arrive le mensonge descend.»

Samory Keita pour kibanyiguinee.info

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