En se rebellant contre son protecteur, ce matin du 5 septembre 2021, pour écourter son mandat et l’éjecter du perchoir, le chef de la junte militaire guinéenne disait agir par fibre patriotique. Il promit à cet effet de mettre fin à la mal gouvernance, de soigner les maux qui assaillent le peuple puis rétablir l’ordre constitutionnel dans un délai précis et court.
Venu au pouvoir par effraction, il promit très tôt de changer la donne. Pour permettre aux guinéens de vivre enfin leur rêve de voir leur pays prendre l’ascenseur du développement. Pour rassurer, il prit de fortes mesures portant moralisation de la gouvernance publique et l’instauration d’un Etat de droit et de justice. « La justice sera la boussole qui va orienter la transition », s’était-il engagé. Une expression rhétorique devenue un « slogan » pour les thuriféraires du palais et les colporteurs du gouvernement.
La Gabegie financière, la corruption, les marchés gré à gré, l’enrichissement illicite, les détournements de deniers publics, le clientélisme, le népotisme, l’injustice, les violations des droits de l’homme sont des fléaux qui gangrénaient le pouvoir déchu d’Alpha Condé.
Son arrivée était donc perçue comme une délivrance par l’écrasante majorité des guinéens et qui raviva la flamme de l’espoir chez les plus septiques. Qui crurent à un moment donné aux engagements pris par le CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement).
Malheureusement, le pacte signé avec le peuple sera de très courte durée. Les choses ayant subitement pris une nouvelle tournure. Avec la prise en otage du pays par une poignée d’individus tapis au palais. Mettant en danger le navire de la transition. Qui tangue dans les flots de mer sans « boussole.»
La transition déviée de sa trajectoire initiale, fonce désormais droit dans le mur. Malgré les signaux de détresse, le capitaine s’entête et ferme toutes les issues de secours. Il s’engage dans une voie qu’il s’étant pourtant juré de ne pas poursuivre. « Il n’y aura pas de ‘’sasse’’, (excusez du peu), chasse aux sorcières », s’était engagé le chef de la transition. Sans oublier le fameux slogan « s’inspirer du passé pour construire le future ensemble. »
Sauf que les réalités du terrain prouvent le contraire.
Rien qu’en se focalisant sur « les trois priorités de la transition », notamment « le social, l’économie et le politique », il y a beaucoup de déconvenues.
Sur le plan social, insécurité galopante, injustice, cherté de vie, musèlement des voix dissonantes (société civile, médias), restriction de l’internet.
Sur le plan économique, chômage endémique, marchés gré à gré, enrichissement illicite, corruption, détournement des deniers publics.
Sur le plan politique, absence d’un cadre de dialogue inclusif, chasse aux sorcières déclenchée contre les anciens dignitaires, justice à deux vitesses, déliquescence de l’Etat.
Or ce sont les mêmes fléaux contre lesquels le colonel Doumbouya et ses compagnons s’étaient érigés pour justifier la prise du pouvoir. Mais qui, comme par magie, ont soudainement refait surface.
Dans ce tableau sombre, s’ajoutent les évènements du 4 novembre 2023 et d’autres similaires, survenus quelques mois auparavant, et la tragédie du 17 au 18 décembre, dans la commune résidentielle de la présidence de la république, qui sont l’expression d’une défaillance notoire du système sécuritaire et de la négligence et l’impréparation de l’Etat.
Toute chose qui suscite du dédain vis-à-vis des dirigeants et contribue à la frustration générale. Ce qui met aujourd’hui tous les signaux au rouge. Même si l’on veut faire croire le contraire.
Soupçonnant la junte de nourrir des velléités pour confisquer le pouvoir, le peuple se sent trahi. Mais garde sa sérénité tout en veillant au grain au cas où les forces du mal tenteraient de bafouiller.
Comme pour dire que la seule alternative possible pour le CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement) est le respect de son engagement. Qui consiste à organiser les élections pour donner à la Guinée un président élu le 1er janvier 2025.
« La parole de Wangrin est de l’or et sa promesse de l’airain », rapporte Amadou Hampathé Bâ dans son livre.
Par extrapolation, on dira que dans l’armée, le militaire est connu pour sa « parole d’honneur.» Espérons donc que le colonel Doumbouya ne dérogera pas à cette règle. Car c’est la seule promesse qu’il faut tenir et la seule porte de sortie honorable. Pour que la transition guinéenne puisse servir à quelque chose.
Samory Keita pour kibanyiguinee.info
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