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VIGILOR SECURITÉ

LA CENTRALE THERMIQUE FLOTTANTE TURQUE EST A CONAKRY : CE QUE L’ÉTAT NE DIT PAS AUX GUINÉENS !

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Annoncé depuis des mois, la centrale thermique flottante Turque est finalement arrivée à Conakry le 15 août dernier. Avec une production fixée à 114 mégas watts, le « Karadeniz Powership Ibrahim Bey », nom donné à la centrale raccordée au Réseau Interconnecté du grand Conakry (R.I.C), devrait assurer la fourniture d’énergie (de bonne qualité) au moins à la capitale Conakry. Telle est la communication de l’Etat, alors que des analystes et experts en énergie eux, restent sceptiques.   

Plongé dans l’obscurité depuis l’an 2023, Conakry vit encore sous le régime des délestages. Malgré les efforts déployés par l’Etat, les effets escomptés ne sont toujours pas atteints.

Pour répondre à la forte demande qui ne cesse de croitre, les autorités du pays après avoir chassé dans un premier temps la centrale flottante Turquoise, ont fini par réaliser l’impérieuse nécessité de recourir au même navire afin d’améliorer la desserte de l’électricité dans les ménages.

L’on se rappelle qu’il s’agit là d’une vieille recette du régime déchu, à laquelle l’ancien président Alpha Condé avait recouru pour donner le courant H24 à la capitale guinéenne, avant la réception de l’Aménagement Hydrélectrique de 450MW de Souapiti en juin 2022

En faisant recours à cette méthode, les nouvelles autorités espèrent parvenir à rééditer cet exploit. Surtout que la problématique de la disponibilité de l’électricité se pose toujours avec acuité. Ceci malgré l’existence des barrages tels que Kaleta et Souapiti, capables de produire respectivement 240 et 450 MW. Soit un total de 690MW, largement suffisants pour desservir Conakry. Néanmoins, n’oublions pas de souligner que le RIC tient compte également de Kindia, Mamou et est connecté à Pita et Labé.

Très sceptiques, malgré l’arrivée du bateau Turc, certains observateurs analystes énergétiques préfèrent jouer la carte de la prudence. Estimant que le problème est plus complexe qu’on ne pourrait l’imaginer. D’après eux, la crise qui assaille le secteur de l’électricité en Guinée ne peut être réglée par la simple présence de cette centrale flottante qui est après tout une solution très temporaire

C’est le cas de cet expert en énergie qui a requis l’anonymat, qui pense que l’arrivée du bateau est certes une aubaine pour améliorer substantiellement la desserte en électricité à Conakry. Cependant, fait-t-il remarquer, l’accroissement constant de la demande dû à l’augmentation des ménages (avec des récepteurs de seconde main, mauvais consommateurs d’électricité) et la construction dans l’euphorie d’unités industrielles dans le grand Conakry risquent de désillusionner plus d’un.

Il révèle qu’actuellement la pointe de la demande, sans cesse croissante du R.I.C, tend vers 700MW. Et précise que, même avec la possibilité de production de 690MW de Kaleta et Soupiti, il est essentiel de savoir que la ligne Kaléta-Manéah ne permet pas l’évacuation de toute cette production. La capacité réelle actuelle de transit de cette liaison n’atteignant pas les 400MW. Une demande très forte, qui continue à croitre au jour le jour.

Donc pour lui, même si l’envoie du bateau soulagera, cela ne sortira pas Conakry du régime des délestages.

Et ce n’est pas tout. L’expert souligne qu’il y a plusieurs autres facteurs qui rendent la mission de l’Etat complexe et difficile à réaliser en si peu de temps.

Selon l’expert, même s’il y a suffisamment de source d’énergie, les voies d’évacuation de cette énergie sur les réseaux de transport haute tension du RIC sont limités du point de vue capacité.

En plus, souligne-t-il, « il y a un autre grand handicap : c’est le fait que les 690 MW de Kaleta et Souapiti ne soient pas facilement évacuables sur Conakry. » Ceci étant dû au fait que la ligne 225KV Kaléta-Manéah a été conçue pour Kaléta et non pour Kaléta et Souapiti. « Dès qu’on pousse la puissance jusqu’à un certain niveau, la tension chute exagérément au niveau de la sous station de Manéah », fait-il remarquer.

Pour renchérir, il rappelle qu’« au temps de l’ancien Ministre de l’Energie, Cheick Taliby Sylla (sous Alpha Condé), des discussions portaient sur la possibilité de réalisation d’une ligne côtière, qui allait longer Boffa, Dubréka, Conakry sur la corniche de Lambanyi. C’est-à-dire, Kobaya, Kipé, Lambanyi, Dixinn et Kaloum. » Un projet qui sera interrompu après la chute du régime d’Alpha Condé.

Il présume donc, que ce projet est essentiel à l’augmentation de la capacité de transport et de distribution dans la capitale Conakry. « Si une autre voie d’évacuation de l’énergie du couple Kaléta-Souapiti n’est pas réalisée, il serait illusoire de compter sur les 2 barrages qui représentent l’essentiel de la production d’énergie du système interconnecté guinéen. », souligne l’expert en énergie.

Le déficit d’eau dans les barrages

A ce niveau, il fait savoir que malgré les fortes précipitations de ces derniers temps, le barrage de Souapiti n’est toujours pas plein. Et qu’il y a un gap d’au moins 12m3 d’eau pour que le barrage soit rempli.

Il confie que « le niveau d’eau est actuellement en dessous des 200m, alors que la cote de retenue normale est de 210m. » Aussi, révèle-t-il, « à chaque fois que le niveau d’eau augmente, on retire au moins le tier pour des besoins de production d’électricité ». Il citera comme exemple, la date du 29 juillet dernier, lorsque « le débit d’eau était presqu’à 400m3 seconde, on retirait au même moment 200m3 seconde pour la desserte en électricité. » Et à cette allure, prévient-il, « le barrage ne sera probablement jamais rempli en fin de cette saison humide. »

Les ardoises de dette qui collent à la peau l’Etat

Selon notre source très fiable, « l’Etat guinéen reste devoir beaucoup d’argent aux sociétés privées de production énergétique. En l’occurrence, ‘’Tè Power Company (TPC)’’, groupe situé au rond-point de la Tannerie où la dette s’élèverait à 70 millions de dollars et Souapiti où l’ardoise de dette de l’Etat frôlerait le milliard de dollars américains. »

L’expert estime donc que « l’Etat ne peut pas payer les notes de la production énergétique d’une entreprise nouvellement installée alors qu’il n’a pas encore épongé ses dettes auprès des entreprises évoluant sur place. » Pour lui, c’est une erreur à ne pas commettre. Sinon, prévient-il, « une telle attitude de la part de l’Etat risque de créer des frustrations dont les conséquences néfastes pourraient se faire ressentir dans la fourniture de l’électricité. »

Comme pour corroborer l’analyse faite par notre interlocuteur anonyme, le Ministre de l’Energie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures a tenu à apporter quelques précisions au lendemain de l’arrivée du bateau Turc. Dans la foulée donc, Aboubacar Camara confie que la capacité de la centrale thermique est de 115 mégas watts. Quant à la desserte, il précise que pour ce début, seuls 750 000 ménages bénéficieront du courant qui sera produit par la centrale flottante. Mais pendant combien de temps ? Le ministre indique que le navire restera en Guinée pendant au moins 2 ans. Cela en attendant l’installation des panneaux solaires et la réhabilitation de certaines centrales, telles que les centrales de Banéa,  Donkéa et Grandes Chutes qui produisent un total de 43 mégas watts.

Sam Keita pour kibanyiguinee.info

(+ 224) 655 27 13 18

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