À l’occasion de la 32ème Journée mondiale de la liberté de la presse célébrée ce 3 mai 2025, la Guinée se joint à la communauté internationale autour d’un thème au cœur des mutations actuelles : « Informer dans un monde nouveau : l’impact de l’intelligence artificielle sur la liberté de la presse et des médias ». Un thème qui sonne comme un signal d’alarme et un appel à la réforme.
Un thème en phase avec l’air du temps
Alors que l’intelligence artificielle (IA) révolutionne les usages dans tous les secteurs, les médias guinéens se retrouvent à la croisée des chemins. Si l’IA promet de transformer les méthodes de production et de diffusion de l’information, elle pose aussi des défis éthiques, techniques et juridiques pressants.
En Guinée, cette transition numérique souligne plus que jamais la nécessité de former les journalistes et techniciens aux outils numériques avancés, tout en mettant en place un cadre réglementaire robuste pour encadrer l’usage responsable de l’IA dans le journalisme. Le risque, sinon, est de voir l’écart se creuser entre les médias locaux et les standards internationaux.
Une liberté conquise… mais toujours vulnérable
Le 3 mai reste avant tout une date de mémoire et de reconnaissance. Celle des luttes acharnées menées par des générations de journalistes et de citoyens pour obtenir un espace de liberté d’expression. Ce droit fondamental, parfois payé au prix fort – arrestations, intimidations, violences – reste néanmoins fragile.
Les récentes crises entre certains organes de presse et les autorités, souvent causées par des manquements ou des dérives éditoriales, ont provoqué la suspension de plusieurs médias, la perte de centaines d’emplois et un recul de 25 places dans le classement mondial de Reporters sans frontières. Une alerte sévère, qui appelle à une réponse immédiate et concertée.
Une réforme structurelle indispensable
Alors que la transition politique touche à sa fin, la Guinée se voit offrir une occasion historique de repenser en profondeur le secteur médiatique. Les associations de presse plaident pour une révision de la loi organique sur la liberté de la presse. Cette réforme devra clarifier le statut fiscal des entreprises de presse, encadrer la diffusion numérique (y compris sur les réseaux sociaux), intégrer les nouveaux médias comme les web radios et web télévisions, et renforcer l’accès au financement publicitaire.
La revalorisation du soutien public aux médias privés, en particulier à travers l’opérationnalisation effective du Fonds d’appui au développement des médias (FADEM), est aujourd’hui perçue comme une urgence vitale. Ce fonds, encore en état de promesse, est attendu comme une bouffée d’oxygène pour des journalistes souvent précaires, sans couverture sociale, ni salaire décent.
Protéger les journalistes, c’est protéger la démocratie
Dans un climat où les journalistes exercent dans des conditions de plus en plus difficiles, garantir leur sécurité et leur indépendance est un devoir régalien. Les associations de presse lancent un appel pressant à l’État et à la Haute autorité de la communication pour garantir la liberté de la presse et faire respecter les droits des professionnels.
L’affaire toujours non élucidée de la disparition du journaliste Marouane Camara reste un symbole douloureux de cette urgence à protéger ceux qui informent.
Liberté et responsabilité : les deux piliers d’une presse durable
Si la liberté d’informer est un droit fondamental, elle ne saurait être dissociée de la responsabilité. À l’heure où l’information circule à la vitesse de la lumière, et où les réseaux sociaux peuvent être détournés à des fins de manipulation, les professionnels des médias – tout comme les citoyens – doivent faire preuve de rigueur, d’éthique et de respect de la vérité.
Une presse libre est essentielle à la démocratie. Mais cette liberté doit s’exercer dans le respect de la loi, de la paix sociale et de l’unité nationale.
Fatoumata Camara pour kibanyiguinee.info