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Guinée/Alpha Condé-Cellou Dalein : pile et face !  

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Depuis quelques années, l’actualité sociopolitique de la Guinée est particulièrement animée par deux personnalités politiques du pays. L’ancien opposant charismatique devenu président, le Pr Alpha Condé et l’ancien premier ministre et technocrate devenu figure de proue de l’opposition, Cellou Dalein Diallo.

Voilà 10 ans maintenant que le sort de ce petit pays d’Afrique de l’ouest est lié à ces deux poids lourds de l’échiquier politique national. Le pays se porte mieux tant qu’ils sont de bonne humeur, et il va mal s’ils ne le sont pas

Leur histoire commune a commencé à l’arrivée de la junte militaire au pouvoir en 2008, après la disparition du feu général Lansana Conté. Les deux timoniers, jadis membres des ‘’forces vives de la nation’’, se sont serrés les coudes et ont fait feu de tous bois pour raccourcir la transition militaire et exiger le retour rapide à l’ordre constitutionnel.

La double pression interne et de la communauté internationale a permis entre deux transitions, d’organiser la présidentielle de 2010. Au sortir du round qui opposa 24 candidats, au premier tour, Cellou Dalein Diallo sous le label de l’UFDG et Alpha Condé sous la bannière du RPG se retrouvent au deuxième tour. Cependant, si le premier s’est qualifié avec 44% des suffrages, le second lui n’avait obtenu que 18% des voix.

Entre les deux tours, le pays sombre dans une escalade de violences indescriptibles (ubuesques) à caractère politico-ethnique. C’était la première fois, dans l’histoire récente du pays, qu’on assiste à des incidents intercommunautaires. Les ressortissants issus d’une communauté ont été obligés de fuir afin de sauver leur vie et regagner leur région d’origine.

Ces scènes de violences inouïes marqueront à jamais le citoyen guinéen qui ressasse sans cesse ces clichés qui défilent encore aujourd’hui en flash-back dans l’esprit.

Et eu égard ces résultats provisoires, l’un n’avait aucun doute sur sa victoire au 2ème tour. Mais c’était sans compter sur le vieux briscard de la politique qui n’avait pas encore dit son dernier mot. Ainsi, contre toute attente, après 4 mois d’intervalle entre les deux tours (ndr, alors que la loi prévoit deux semaines), le candidat du RPG remporte miraculeusement ce deuxième round et devint le président élu avec 52,52 % des suffrages.

Ce scrutin gagné aux forceps par l’un des candidats, dans des conditions plus ou moins transparentes, sera à l’origine de la haine viscérale à peine voilée que se vouent depuis, mutuellement les deux primitifs et par ricochet, elle est la source de tous les maux que connaisse aujourd’hui notre société.

Candidat malheureux de la présidentielle, Cellou Dalein était rongé par la culpabilité d’avoir laissé le pouvoir lui glisser entre les mains. Animé par la colère et le sentiment de déception, le candidat perdant aura du mal à digérer son échec. Une question défilait sans cesse dans son esprit, troublant régulièrement ses sommeils parfois cauchemardesques : Comment j’ai pu perdre cette élection ?

Pendant ce temps, le pays était en feu et en lambeau. Des vagues de contestations sont signalées un peu partout dans les bastions de l’UFDG qui criait au « vol de sa victoire ». Le contentieux électoral est porté devant la cour suprême qui tranchera sans surprise en faveur d’Alpha Condé.

La junte militaire et les autorités d’alors font allégeance au nouveau président de la république.

En bon samaritain, Cellou sous la pression de la communauté internationale, finit par fléchir et accepter son sort. Peu après, « l’homme de paix » qui a sauvé la Guinée du chao choisit de changer d’air en quittant le pays.

Ce qui permettra aux guinéens de respirer de nouveau. Car une nouvelle dynamique venait d’être insufflée, celle de vivre ensemble dans la paix et la quiétude sociale. Le nouvel homme du pays avait une occasion en or, après 40 ans de lutte politique, de rompre avec les vielles habitudes, mettre fin aux clivages ethniques et régionalistes, rassembler les guinéens et poser les jalons d’un développement durable.

Mais c’était utopique de croire à une rupture avec l’ancien système et que l’harmonie allait primer sur la haine et la rancœur. Ne dit-on pas que les vielles habitudes ont souvent la peau dure ?

En tout cas ce rêve du citoyen de connaitre une paix durable sera de courte durée. Car après quelques mois d’absence, le nouveau chef de file de l’opposition guinéenne décide de sortir de son retrait spirituel et regagna le bercail le 3 avril 2011. On connait la suite.

La réception de l’opposant dont les partisans s’étaient fortement mobilisés sera réprimée dans le sang par les forces de l’ordre. Infligeant parfois aux citoyens des actes rétrogrades issus d’un autre âge. Ces citoyens qui étaient pourtant prêts à pardonner si ‘’l’homme providence’’ mis à la tête du pays avait su réconcilier son peuple et couper le pont avec les vicissitudes du passé. Mais hélas ! L’éléphant annoncé était arrivé avec un pied cassé.

Des plaies béantes ouvertes lors des violences postélectorales ne seront malheureusement jamais refermées. Le tissu social mis à rude épreuve finira impudemment par voler en éclat. Tout simplement parce que le nouveau pensionnaire de sékoutouréah n’a  pas su tronquer son vieux costume d’opposant politique à celui du chef d’Etat qu’il était devenu.

Ainsi, à cause des futilités liées à des calculs politiques politiciens, le pays renoua avec les vieux démons de la violence. Premier président démocratiquement élu de cette ancienne colonie française, Alpha Condé arrosa les racines de son pouvoir avec le sang frais d’un jeune innocent, Zakariaou Diallo, qui sera froidement abattu par les forces de l’ordre. L’exécution sommaire et brutale de ce jeune manifestant marquait ainsi le début d’une longue série noire de tueries perpétrées contre les pauvres citoyens.

Dès lors, les deux pyromanes se livrent de façon discontinue à une guerre sans merci. Laissant régulièrement derrière eux, des cadavres jonchant les rues de la capitale et de l’intérieur du pays.

En 10 ans d’inimitié, ils ont versé plus de sang qu’en 24 ans de règne du feu général Lansana Conté et en 26 ans de pouvoir autoritaire du feu Ahmed Sékou Touré. Du côté de l’Etat on parle d’une centaine de morts alors que l’opposition elle, parle de 230 âmes écrabouillées comme des asticots lors des manifestations. Assoiffés du pouvoir, ils n’ont jamais hésité de sacrifier le peuple au profit de leurs intérêts.

Pourtant l’un se dit être le ‘’Mandela’’ de la Guinée alors que l’autre sans le dire prétend être sur les traces de Gandhi et de Martin Lutter King. Cependant, à voir de prêt, ni l’un ni l’autre n’est proche de ce qu’il prétend réellement être. Ils ressemblent plutôt à deux images d’une même pièce de monnaie. ‘’Pile et face’’. Comme pour dire qu’ils sont à la fois adversaires et complémentaires.

En dix ans (2010-2020) d’affront sur le terrain politique, ils ont fini par se radicaliser. Ils ont signé le pacte avec le diable et nourrissent leur chose politique par la souffrance de leurs partisans. Ces derniers leur servent de ‘’bétails électorales’’ lors des élections et de ‘’sujets’’ (sur lesquels ils ont le droit de vie et de mort) lors des manifestations.

La recrudescence des violences électorales de ces derniers temps, n’est qu’une suite logique des précédents événements tragiques dans le pays entretenus par les deux rivaux politiques. Aveuglés par la cupidité, les deux loups politiques aux dents acérées n’ont aucune once de pitié pour le peuple.

Le premier n’avait pas à se présenter à cette élection présidentielle pour briguer un troisième mandat anticonstitutionnel. C’est le mandat de trop qui a fait déborder le vase. Alpha pouvait l’éviter en respectant la constitution du 7 mai 2010 sur laquelle il a juré par deux fois de suite. Citation (article 35) : « Moi  Pr Alpha Condé, président de la République élu conformément aux lois, je jure devant le Peuple de Guinée et sur mon honneur de respecter et de faire respecter scrupuleusement les dispositions de la Constitution, des lois et des décisions de justice, de défendre les Institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale. En cas de parjure que je subisse les rigueurs de la loi. » Ainsi, en respectant l’article 25 qui stipule : « Le président de la République est élu au suffrage universel direct. La durée de son mandat est de cinq ans, renouvelable une fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non », il aurait sauvé toutes ces vies perdues et assuré l’ancrage de la démocratie en Guinée. Aujourd’hui, à cause de son acte illégal est né le FNDC –Front national pour la défense de la constitution. A cause de son acte irresponsable, de nombreuses familles sont endeuillées. A cause de son entêtement, le pays est au bord du chao. A cause de son insatiabilité, les guinéens se déchirent et se haïssent.

Quant-à Cellou Dalein Diallo, même si aucune loi ne l’interdit, il n’avait pas à s’autoproclamer vainqueur de la présidentielle. Surtout qu’il y a une institution (la CENI) à laquelle la loi confère ce pouvoir ou cette compétente de proclamer les résultats des élections en Guinée. Mais il a montré sa faiblesse en cédant à la tentation. Lui qui a toujours prôné la paix n’avait pas à conduire ses partisans sur le guéridon de l’abattage. Surtout qu’il savait pertinemment à l’avance les conséquences dramatiques que son acte allait provoquer.

C’est dire que tous les deux ont failli. Puisque ni l’un ni l’autre, n’avait le droit de faire ce qu’il a fait. D’autant plus que leurs actes sont aujourd’hui à la base de l’impasse sociopolitique que traverse le pays. Le tissu social est profondément déchiré et les guinéens se regardent désormais en chien de faïence. La graine de la haine est de nouveau arroser. Et sa germination constitue un grand risque pour un pays dont tous les voisins sont déjà fragilisés par des guerres fratricides.

Il est temps de mettre fin à cette crise qui s’enlise en  donnant la chance au dialogue. Car face à la violence, Martin Luther King, Gandhi et Mandela dont vous prétendez suivre les traces ont toujours opposé l’amour. Donc, vouloir trop pousser le bouchon la situation risque de se ‘’rwandaliser’’. Et l’histoire condamnera les principaux acteurs sur lesquels s’abattront également la justice des hommes et celle de Dieu. A bon entendeur salut !

Touraman Keita pour kibanyiguinee.info

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