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COLONEL MAMADI DOUMBOUYA AUX NATIONS UNIES : SYNOPSIS D’UN DISCOURS D’ORGUEIL QUI « BY-PASS » LES REALITES DU PAYS

Le 21 septembre 2021, tous les regards étaient tournés vers le siège de l’Organisation des Nations Unies (ONU) où se tenait la 78ème session de l’Assemblée Générale de l’organisation, pour suivre le passage du chef de la transition guinéenne, le colonel Mamadi Doumbouya dont le discours était très attendu par les guinéens. Du haut de la tribune de l’ONU, le « soldat » est apparu dans un grand boubou blanc digne du rang des ‘’Mansa’’ (ndlr, chef souverain) pour s’adresser au monde entier. Au nom de tout un continent africain, avec en toile de fond les coups d’Etat militaires dans la sous région ouest africaine. Une tâche qui semblait pourtant titanesque pour les épaules d’un jeune militaire, mais pour laquelle le jeu en vaut la chandelle. L’homme arborera ainsi son costume panafricaniste pour s’engager dans une anthologie de discours digne de l’époque révolutionnaire d’un continent qui a du mal à trouver sa propre voie. Un discours bien accueilli au sein de la jeunesse guinéenne et chez certains nostalgiques de l’époque de la révolution nationale.

Cependant, si certains apprécient et saluent le passage du président de la transition à l’ONU qui, selon eux, a fait la fierté de la Guinée et du continent africain tout entier, à travers son courage à tenir un langage de vérité aux grandes puissances du monde, d’autres par contre, ne partagent pas cet avis. Ces derniers, le perçoivent comme un discours populiste, tenu dans l’unique but de détourner l’esprit du monde de la transition en cours en Guinée dont la conduite suscite désormais beaucoup d’interrogation.

Synopsis d’un discours d’orgueil qui titille les puissances étrangères mais by-pass les fondamentaux d’une transition grippée par une crise lancinante.      

Dans son discours, très applaudi par la forte délégation guinéenne qui l’accompagnait et quelques amis de la Guinée présents dans la salle, le « soldat » a cherché dans un premier temps à justifier son putsch et à donner les causes des coups d’Etat en Afrique de l’ouest. Mamadi Doumbouya expliquera alors que, ce matin du 5 septembre 2021, le coup d’Etat est intervenu pour éviter le « chao complet » à la Guinée dont la situation sociopolitique était en pourrissement.

Sauf que, cette situation décrite par le colonel n’a rien à envier à celle que vivent actuellement les guinéens qui ont déchanté depuis un bon moment à cause de la conduite incertaine de la transition.

En bon messager de ses frères putschistes de la sous région ouest africaine, notamment le colonel Assimi Goita du Mali, le capitaine Ibrahima Traoré du Burkina et le général Abdourahamane Tiani du Niger, le chef de la junte guinéenne interpelle la communauté internationale sur les motifs de « l’épidémie des coups d’Etat » en Afrique. « Pourquoi les transitions militaires maintenant ? », interroge le colonel, avant de donner quelques éléments de réponse. En énumérant, notamment « les promesses non tenues, l’endormissement du peuple, le tripatouillage des constitutions ». Une pratique à laquelle  s’adonnent des dirigeants qui cherchent à se cramponner au pouvoir.

Ce qui est une vérité crue dite par un militaire. Cependant, s’il dénonce le tripatouillage de la constitution avec les régimes politiques, tout porte à croire que le système contre lequel il a agi, reste toujours intact. Puisque la loi avec laquelle le pays est dirigé actuellement, qu’on appelle « charte de la transition » n’est pas plus respectée que la constitution dissoute. Comme pour dire, qu’entre  « tripatouillage de la constitution » et « violation de la charte », il n’y a pratiquement pas de différence. C’est bonnet blanc et blanc bonnet !

Il dénonce aussi le « modèle de démocratie » que l’occident a imposé à l’Afrique. Alors que celui-ci ne correspondrait pas au mode de vie encore moins aux mœurs ou réalités africaines. Estimant que  ce modèle occidentale « ne marche pas » et ne saurait marcher en Afrique. Mieux, il explique que ce système entretien « l’exploitation et le pillage » des ressources et la « corruption » endémique.

Mais en le disant, le colonel oublie que ce même modèle qu’il critique a bien réussi ailleurs. Le Ghana, le Nigéria, le Benin, le Sénégal, pour ne citer que ceux-ci, l’expérimentent depuis des décennies et ça marche.

Quant aux pillages et mauvaises répartitions des ressources du pays, rien de ce qui se passe présentement ne surprend le commun du mortel guinéen. Peut-être, seul le contraire le surprendrait. Mais hélas ! Après 2 ans de gestion, les nombreux scandales dénoncés ça et là dans les médias font foi de l’ampleur de la corruption qui gangrène le pouvoir de Conakry. En un laps de temps, plusieurs hauts percés de l’Etat se sont illicitement enrichis sur le dos du contribuable guinéen. Des villas par ci, des immeubles par là. Qui poussent comme des champignons au vu et au su de tout le monde. Sans le moindre gène pour le pauvre peuple. Tout porte à croire que le pays est en en passe de redevenir une plaque tournante du trafic de drogue à cause des nombreuses saisies de drogue et des millions de devises constatées depuis le début de la transition. C’est dire que si le chef de la transition dénonce les « casseroles » que traineraient certains anciens commis de l’Etat, il n’en n’ait pas moins pour ceux qui se la collent douce aujourd’hui.

Par ailleurs, le président de la transition guinéenne demande à la CEDEAO à ne pas se « mêler de politique ». Ce qui sous-entend tacitement que le pouvoir de Conakry n’accorde aucun crédit à l’organisation régionale qui garde pourtant un œil de veille à la gestion des pouvoir évoluant dans sa juridiction. Cela signifie aussi que l’institution doit laisser la junte gérer la transition guinéenne comme elle le souhaite.

Pour finir, le président tout en indiquant que les africains ne sont ni pro ni anti d’aucune puissance, mais pro d’eux-mêmes, fait une invite à  l’ONU avec en ligne de mur les puissances étrangères. C’est de « laisser » les peuples africains « mener » seuls leur « barque », comme c’est le cas pour « certaines régions du monde », notamment « en Asie, au Proche et Moyen Orient. » Cela au nom de l’émancipation de la jeunesse africaine.

Cependant qu’en Guinée, il n’y a actuellement aucune différence entre l’avant et pendant transition. Car si le pouvoir a quitté des mains d’un civil pour celui d’un militaire, les réalités elles, sont restées les mêmes.  Et au nom du bien être « social, économique et politique », les aspirations du peuple sont hypothéquées.

Pendant ce temps, tous les indices montrent que l’on se dirige directement vers un glissement du chronogramme de la transition qui s’achève normalement en décembre 2024, à travers la restauration de l’ordre constitutionnel.

Samory Keita pour kibanyiguinee.info