A l’aube du samedi 25 novembre, aux environs de 6 heures, alors que des fidèles musulmans revenaient de la prière et d’autres citoyens étaient encore blottis dans leurs couvertures, d’énormes flammes surplombaient les toitures des maisons. Un incendie dont l’origine reste encore très suspecte venait de se déclarer dans un garage rempli de véhicules de luxes en panne. C’est le garage de Minkaïlou Mendika Camara alias « Minka », situé sur la corniche sud non loin de l’école de Touguiwondi qui était entrain de consumer. Et si les citoyens et les sapeurs pompiers ont pu braver les flammes et empêcher le pire dans cette forte agglomération, l’origine du feu reste pour l’instant un mystère. Surtout qu’il n’y aurait pas d’électricité dans ce garage depuis belle lurette.
Sur le lieu du sinistre, le témoignage des citoyens et la prudence des sapeurs pompiers qui se réservent toute communication sur les causes réelles de l’incendie, en disent long sur l’endroit qui est un domaine conflictuel.
André Keita, chauffeur de taxi, habite le quartier, c’est l’un des premiers secouristes présents sur le terrain.
« Entre 6h-7h, j’étais couché lorsque j’ai entendu des gens criés : ‘’Au feu ! Au feu !’’ Quand je suis arrivé, il y a avait déjà des gens dans le garage entrain d’essayer d’éteindre le feu. Je me suis aussitôt joint à eux en montant sur le toit. Du toit, on me faisait parvenir de l’eau et du sable que je versais dans les flammes. Celles-ci étaient énormes, mais avec la forte mobilisation des citoyens du quartier nous avons pu les maitriser »
Diané Bangaly, est un autre témoin qui passe la nuit dans une baraque qui jouxte le garage. Il dormait profondément lorsqu’il fut subitement tiré de son sommeil par des cris au feu. Il sortit en courant pensant que c’est sa baraque qui a pris feu, avant de se rendre compte quelques secondes plus tard, à travers les flammes géantes qui se dégageaient, que c’est plutôt le garage de « grand Minka » qui était en feu.
« C’était à l’aube, je dormais lorsque j’entendu crier au feu. Dans un premier temps, j’ai cru que c’est la baraque où je dormais qui a pris feu. Je suis sorti en courant, paniqué. Ce n’est qu’après que j’ai su qu’il s’agissait du garage de grand Minka. Tout le monde s’est précipité pour porte secours. Mais quand nous sommes arrivés la porte était cadenassée. Nous avons demandé la clé, mais il n’y en avait pas. Mais connaissant le propriétaire, qui est un homme très humaniste et social, nous ne pouvions pas laisser son garage se consumer. Nous avons donc forcé le portail pour pénétrer. Avec le concours des uns et des autres nous avons pu maitriser le feu et limiter les dégâts »
Pour les sapeurs pompiers, qui ont été pour une fois proactives, parler de ce cas précis qui est différent des autres cas ordinaires, c’est comme marcher sur des œufs. C’est une situation difficile et sur laquelle ils préfèrent ne pas communiquer. Cela à cause du caractère litigieux du domaine.
Joint ce lundi 27 novembre, le chef service d’interventions des sapeurs pompiers de Kaloum, le colonel Keira se confie en ces termes : « nous, on se méfie beaucoup des situations comme ça, parce que là-bas, il y a un conflit. Donc tout ce qu’on va dire, il faut qu’on se méfie et qu’on se réfère à notre hiérarchie. Aussi, ce qu’on a fait, on va rendre compte à l’autorité. C’est à elle de communiquer ou pas. »
Minkailou Mendika Camara alias Minka, mécanicien professionnel, chef du garage est la principale victime. Il était absent du lieu lorsque l’incendie s’est déclaré. C’est suite au coup de fils d’une connaissance qu’il sera alerté. Une fois sur le lieu, il constate l’ampleur des dégâts. Sans tergiverser, il parle « d’incendie criminel. » Et soupçonne son ancienne concessionnaire, c’est-à-dire la famille soumah, dont la cour jouxte le garage, d’être à l’origine. En litige depuis des années avec cette famille qui réclame la propriété de l’endroit, alors que le domaine est mis dans le portefeuille de l’Etat par le patrimoine bâti public, M.Camara parle des circonstances de l’incendie avant de revenir sur l’origine du litige entre lui et la famille Soumah.
« J’étais couché, vers 6h, j’ai reçu un appel m’informant que mon garage a pris feu. Je suis immédiatement venu et j’ai découvert la triste réalité. Les dégâts sont énormes. Pour l’instant avant de faire l’inventaire, je saurai vous dire avec exactitude la valeur. Ce que je sais pour le moment, ce que le feu a consumé beaucoup de matériels de rechanges, tels que des moteurs, des boites et phares de véhicule, des filets de pêches. L’un des moteurs (25 KVA) coûte plus de 25 millions gnf. Heureusement que les véhicules de mes clients n’ont pas été touchés, sinon ça allait être la catastrophe. A part cela, il y avait des produits que je venais d’acheter à Dubaï, beaucoup ont été volés. 16 batteries, des rétroviseurs, un écran plat 45 etc. », explique le chef du garage. Puis de poursuivre : « L’incident s’est produit pendant qu’EDG (ndlr, Electricité de Guinée) a coupé le courant depuis 4 mois. Ce sont seulement les panneaux solaires que j’ai fait installer qui marchent ici. C’est dire que, l’incendie ne peut être que l’œuvre de quelqu’un. Surtout que lorsqu’il y a eu le feu, la famille Soumah qui détient la clé a refusé d’ouvrir la porte pour que les gens interviennent. Il a fallu casser le portail pour accéder dans la cour. Et avec l’intervention des sapeurs pompiers, le feu fut circonscrit et les dégâts limités ».
Soupçonnant la famille Soumah dans cet incendie criminel, M.Camara reviendra sur l’origine du conflit qui l’oppose à cette famille.
« Quand je suis venu ici en 2009, c’était un bar, l’endroit était devenu par la suite un dépotoir d’ordures. J’eus négocié un contrat de location avec la famille Soumah pour construire un garage. J’ai payé une avance de 5 ans sur la base de 200 mille francs par mois. Au terme de ce premier contrat, en 2014, la famille a progressivement revu à la hausse le prix de la location jusqu’à atteindre un million. Cela dura jusqu’à l’arrivé, en 2017, du patrimoine bâti public qui déposa deux convocations : une pour la famille et une pour moi. Mais la famille me retira la convocation sous prétexte que c’est à elle de répondre aux convocations. Chose qu’elle ne fit jamais. Puisque six mois après, des agents du patrimoine bâti vinrent vers 5 heures du matin pour faire évacuer le garage. Alerté par mon gardien, je vins précipitamment au garage. Je demandai à la dame de la famille ce qui s’est passé. Elle me dit n’être au courant de rien. Alors nous partîmes ensemble au siège du patrimoine bâti public. Là-bas, on demanda à la femme de présenter le document domanial. Elle n’en n’avait pas. Elle dira être une fonctionnaire à la retraite et que c’est à son défunt mari qu’on avait remis les papiers du domaine. C’est là où je découvris que c’est un domaine appartenant au contentieux français.
Finalement pour ne pas fermer mon activité, je signai un contrat de location avec le patrimoine bâti qui me remit en même temps les clés. Nous nous entendîmes à 500 mille francs le prix de location que je verse à la fin de chaque mois à la banque centrale et le patrimoine bâti me remet une quittance après chaque versement.
Voyant cela la famille Soumah dans l’intention de me faire quitter me fit convoquer à plusieurs reprises devant les autorités, mais à chaque fois, elle fut déboutée. Ne parvenant pas par la voie légale, elle opta pour la force. Ainsi, une nuit, vers 21h, alors que le gardien est parti chercher à manger dans les parages, elle profita pour mettre des cadenas au portail. Mes apprentis voulurent réagir je leur ai dit de laisser, qu’on va se référer à la loi pour agir. Le garage restera fermer pendant 4 mois sans aucun acte légal. J’ai informé mon avocat, il est venu avec un huissier faire le constat. J’étais donc dans les démarches pour rouvrir lorsque cet incendie s’est produit. »
Egalement présent sur le lieu du sinistre, l’huissier de justice, Me Idrissa Diallo, a fait.son constat.
« Je crois que dans cette affaire il y a quelqu’un derrière. Il n’y a pas de faits sans causes et ces causes ce sont des personnes qui sont à l’œuvre. Sinon, le courant a été coupé il y a longtemps. Ici même était fermé il y a longtemps. C’est une dame qui est venue de son gré fermer la porte sans passer par une procédure judiciaire. Juste pour se rendre justice. M.Minka aussi n’a pas voulu réagir, il est resté tranquille. Avant il a pris un huissier de justice qui est passé à l’action directe mais qui a été stoppé. Il a fait ensuite un courrier par mon canal pour l’ordonnance de réouverture du lieu. Cette ordonnance à été adressée à M.le président du tribunal de première instance de Mafanco….C’est donc à ma grande surprise que j’ai reçu cet appel m’informant de cet incendie…Je crois que c’est un incendie criminel venant d’une personne mal intentionnée. L’intéressé a du jeter un « cocktail Molotov » ou utiliser de l’essence pour y mettre le feu », explique-t-il. Avant de souligner que le domaine appartient au « contentieux français. Quand les français sont partis, c’est l’Etat guinéen qui a récupéré. »
Donc pour lui, la famille qui réclame la propriété du domaine a fait la « sous location » pendant des années avec son client. Ce dernier ne s’est rendu compte qu’à l’arrivé du patrimoine bâti, précise l’avocat. Qui révèle ensuite que M.Minkailou a été « régulièrement victime d’agressions de la part de la famille Soumah », alors qu’il est « installé en toute légalité » par l’Etat.
Pour lui, si l’endroit a été sauvé c’est grâce à la promptitude des citoyens du quartier et des sapeurs pompiers. Raison pour laquelle révèle-t-il, la victime a décidé de porter plainte contre X à la justice afin de dénicher le coupable.
En tant que premier responsable de la localité, le chef de quartier de Boussoura accompagné de son adjoint s’était également rendu sur place pour faire le constat. Interrogé, Mohamed Lamine Touré, confie ne pas pouvoir se prononcé sur l’origine du feu. Selon lui, en se joignant aux sapeurs pompiers, ils ont « trouvé un fils descendu et un disjoncteur calciné » Mais, précise-t-il, « à notre fort étonnement, on dit qu’il n’y a pas de courant ici depuis 3 mois. » L’incident ayant eu lieu le week-end, M.Touré a promu de sauvegarder l’endroit jusqu’au lundi avant de remonter l’information au procureur relevant de sa juridiction.
Du côté de la famille incriminée, c’est le dédain. Personne ne daigne réagir sur le sujet.
« Nous n’avons rien à dire. Allez y voir ailleurs », nous rétorque une femme rencontrée dans la concession familiale, visiblement irritée par notre présence.
Plus tard, le soir, nous apprendrons que M.Camara a été agressé physiquement par des loubards tapis dans l’ombre. Au cours de cette agression la victime confie avoir perdu une somme de 3 500 dollars us et un I-phone pro-max15. Une plainte a été déposée au commissariat central de Matam contre les agresseurs qui ont déjà reçu une convocation à cet effet. Nous y reviendrons.
Samory Keita pour kibanyiguinee.info
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