C’est une question qui mérite d’être posée. Après ce qui s’est passé lors des festivités commémoratives du 65ème anniversaire, dans la capitale guinéenne, Conakry, où le peuple s’est senti exclu du défilé marquant l’évènement, il y a lieu d’interroger les pages de l’histoire du pays pour comprendre cet acte des nouvelles autorités qui pourrait être qualifié d’« illégal » et d’« illégitime ».
Au fait ce lundi 2 octobre 2023, soixante cinquième (65ème) anniversaire de l’accession de la République de Guinée à la souveraineté nationale, le pays tout entier a vibré au rythme des festivités commémoratives de l’indépendance guinéenne. Mais si dans plusieurs provinces l’image reflétait une fête en demi-teinte, dans la capitale, Conakry, elle a complètement viré aux couleurs d’une parade militaire excluant les civils. Laissant ainsi beaucoup de Guinéens perplexes quant à la nature de la cérémonie festive.
Car cette fête du 2 octobre 2023 telle que célébrée cette année, donne une connotation très sélective de l’évènement qui a été caractérisé par l’exclusion de la frange la plus importante de la population. En tout cas c’est contre toute attente, que les civils se sont vus exclus d’un évènement aussi grandiose et important qu’un défilé national, auquel ils ont pourtant plein droit et ont toujours pris part par le passé. Surtout pour lequel ils ont payé un lourd tribut pour que nous puissions jubiler aujourd’hui.
La première exclusion est intervenue lorsque les nouvelles autorités ont décidé de réduire cette fête d’envergure nationale à sa plus petite dimension en l’organisation dans une avenue de la République se trouvant dans la presqu’ile de Kaloum, siège de la Présidence de la République. Alors qu’elle aurait pu être organisée au stade de Nongo qui a une capacité d’accueil de 50 mille places ou dans celui du 28 septembre qui peut recevoir la moitié ou à défaut, à l’esplanade du palais du peuple dont la capacité d’accueil est aussi importante, afin que gouvernants et gouvernés puissent célébrer ensemble ce moment historique.
A cela s’ajoute la mesure qui interdisait à tout citoyen n’ayant pas de « carton d’invitation » en bonne et due forme de s’y rendre au lieu de la fête. Comme s’il y avait des Guinéens qui ont plus de droit que d’autres dans cette célébration..
En plus, comme si cela ne suffisait pas, le défilé a été strictement réservé à l’armée nationale qui, comme d’habitude, s’est exhibée avec toute sa « ribambelle » de corps militaires. A savoir, l’Armée de terre, l’Armée de l’air, la Marine nationale et la Gendarmerie nationale, plus les corps paramilitaires, comme la police, la Douane. Sans oublier, les forces spéciales, qui comptent aujourd’hui plus d’unités que n’importe quel autre corps de l’armée. Huit unités, selon des sources.
Le tout est couronné par la participation à cette parade militaire des troupes étrangères du Burkina, Mali, Niger, Sierra Léone etc. Un évènement que beaucoup perçoivent comme une innovation. Même s’il faut rester encore très prudent quant à ce prétendu rapprochement entre armées.
Surtout que plusieurs Guinéens n’arrivent toujours pas à comprendre encore moins digéré cette exclusion des civils au défilé marquant les festivités commémoratives de l’An 65 de l’indépendance guinéenne.
Pourtant, en interrogeant l’histoire du pays l’on se souvient que l’accession de la République de Guinée à l’indépendance fut un combat âprement mené par tout un peuple qui s’est érigé contre l’oppresseur, parfois au prix de son sang, pour sortir le pays des griffes du joug colonial.
Sous le leadership du Camarade Ahmed Sékou Touré et de ses fidèles compagnons, Saifoula Diallo, Barry 3, Hadja Mafori Bangoura, Diallo Telly…, le vaillant peuple de Guinée se mobilisa massivement au référendum du 28 septembre 1958 et vota largement en faveur du « NON » contre le fameux projet de Constitution proposé par la métropole. Le 2 octobre de la même année, la Guinée déclara solennellement son indépendance faisant ainsi du pays le pionnier dans l’Afrique occidentale.
Depuis, en souvenir de cette date historique, les Guinéens de tous bords, élèves, Scouts, femmes, hommes, anciens combattants, compagnons de l’indépendance, syndicats, enseignants, fonctionnaires de l’Etat, personnes handicapées, société civile, entrepreneurs, tous les corps de métier, comme le menuisier, le mécanicien, le cordonnier, le tisserand et l’Armée…bref, toutes les couches socioprofessionnelles sont impliquées et ont toujours pris part au grand défilé national. Un rituel connu de tous les Guinéens.
Mais voilà que patatras ! Cette année, on décide subitement de modifier le rituel en excluant le PEUPLE légitime de la messe pour accorder plus d’espace à cette armée qui a vu le jour un mois après l’indépendance. Précisément, le 1er novembre 1958, lorsque les pères fondateurs de la jeune République ont décidé de créer une armée nationale. Et depuis, cette autre date historique est toujours célébrée avec fastes dans toutes les garnisons du pays.
Cette armée qui fait donc sienne de la célébration de l’An 65 de l’indépendance nationale, en écartant les civils de la grande messe du défilé, suscite des interrogations chez bon nombre d’observateurs qui restent timorés sur la « dimension » qu’on donnerait à la fête du 2 octobre. Est-ce une fête de l’armée ou une fête nationale ?
Samory Keita pour kibanyiguinee.info
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