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REQUALIFICATION DES CRIMES DU 28 SEPTEMBRE 2009 : LA DÉFENSE SOUPÇONNE UNE « MAIN NOIRE » DE LA CPI

Alors que les débats font rage autour de la fameuse question portant requalification des crimes du 28 septembre 2009, la défense a été surprise de voir une délégation de la CPI, conduite par son procureur adjoint, débarquer en Guinée, et d’apprendre par voie de presse le rejet de son recours introduit auprès de la Cour d’Appel de Conakry pour attaquer cette demande du parquet.

C’est une défense, à la fois en colère et inquiète, qui était face aux médias ce jeudi 4 avril 2024, à Conakry. En boycott du procès depuis quelques jours en attendant de connaitre la suite de son recours introduit auprès de la Cour d’Appel de Conakry, contre la demande du parquet de requalifier les crimes du 28 septembre 2009 qui étaient jugés jusqu’ici, dans le cadre de crimes de droit commun, en crimes contre l’humanité, la défense va devoir gérer sa colère, pour l’instant. Mise devant le fait accompli, et confrontée à la colère de ses clients qui ne semblent pas bien apprécier leur démarche, elle est tenue obliger de mettre fin à son boycott et reprendre service.

Mais avant, quelques éléments du pool d’avocats de cette défense ont voulu faire savoir ce qu’ils avaient dans le cœur. Ainsi face aux médias, ce jeudi, ils ont vidé leur bile noire. Sur la kyrielle d’avocats annoncés seuls Me Salifou Béavogui, Me Lamine Sylla et Me Pépé Antoine Lamah étaient présents. Au nom des autres, absents pour des raisons qui leurs sont propres, ils ont animé la conférence.

D’entrée, par la voix de Me Pépé Antoine Lamah, la défense a tenu à rappeler sa démarche administrative portant sur l’appel qu’elle a interjeté. Il explique alors qu’à la suite d’âpres débats sur la demande du parquet d’adjoindre la requalification des crimes au fond du dossier du 28 septembre a interjeté appel auprès de la Cour d’Appel de Conakry. Ceci conformément à « l’application des dispositions de l’art 591 et 592 du code de procédure pénal », pour demander à ce tribunal de second degré d’examiner le dossier.  Et suite à ce recours, la défense « a obtenu le sursis à statuer », selon Me Lamah.

L’avocat révèle que la défense était donc suspendue aux lèvres de la Cour d’Appel, lorsque, dans une surprise générale, le 26 mars, une délégation de la CPI a débarqué à Conakry. Et comme par coïncidence, une ordonnance tombe le lendemain, rejetant son recours. Pis, elle ne l’apprendra que par voie de presse. Alors qu’une telle décision devrait lui être normalement notifiée.

« C’est par voie de presse, à travers le représentant de la CPI, nous apprenons que notre décision aurait été rejetée », fulmine l’avocat.

Ne pouvant tolérer une telle maladresse judiciaire, la défense décide de claquer la porte, indique-t-il. Conditionnant son retour à l’audience, par la réponse à son recours de « contestation » introduit auprès de la Cour. « Nous sommes des professionnels, ce n’est pas par voie de presse qu’on notifie une décision de justice aux avocats, il y a une forme administrative à observer, pour notifier des décisions en matière pénale », explique-t-il.

La violation d’une telle démarche et l’immixtion de la CPI dans le procès ne met pas à l’aise la défense. Qui estime que ce procès est plutôt guidé par la « main noire » de la CPI (Cour pénale internationale). Cela en violation flagrante du « principe de subsidiarité »

Pour Me Lamah, il y a des « inquiétudes » qu’il ne faut pas cacher. « Pourquoi, c’est le procureur (adjoint) de la CPI qui nous informe à travers la presse que notre recours a été rejeté ? Pourquoi, c’est le lendemain de son arrivé que cette décision est intervenue », s’interroge l’avocat. Pourtant, précise-t-il, dans ce dossier, la défense ne demande « la clémence de qui que ce soit », elle exige tout simplement « des conditions minimales de la tenue d’un procès juste et équitable. »

Mais, elle fera remarquer que « cette façon de procéder donne l’impression que tout ce qui se décide de cette procédure ne vient pas de la Guinée »

Dans la mesure où, depuis le début du procès, cela fait plus d’une année, il a toujours été question de « crimes de droit commun », et voilà que comme par hasard, le ministère public brandit subitement « des réquisitions pour des fins de requalification »

« En vertu de quelle disposition la CPI doit avoir un regard veillant sur le déroulement de ce procès ? », interroge la défense. Qui rappelle que « le principe de la subsidiarité » selon lequel, « à partir du moment où l’affaire est traitée par les juridiction guinéenne, dans les conditions normales, la CPI n’a plus rien à voir »

Tout en annonçant sa décision d’être présente à l’audience prochaine pour continuer à défendre les intérêts de ses clients, la défense émet néanmoins des « inquiétudes » quant à « grande influence » de la CPI dans ce procès.

Samory Keita pour kibanyiguinee.info

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